I- QU’EST-CE QUE LE HCRRUN?
C’est le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale. Il a été créé sur proposition de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR)
conformément à la Recommandation N° 57 qui suggère à cet effet la création par loi d’un organe chargé de la mise en œuvre du programme des réparations ou à défaut, charger le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) créé depuis 2008, pour cette mission.
Notons que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) avait eu pour objectif ultime d’œuvrer à la réconciliation nationale, à la paix civile et à la stabilité politique.
II- POURQUOI LA CVJR ?
La signature le 20 août 2006 de l’Accord Politique Global (APG) par les acteurs de la vie sociopolitique du Togo avaient préconisé en ses points 2.2.2 et 2.4 la mise en place d’une Commission chargée de faire la lumière sur les actes de violence commis par le passé et une autre chargée d’apaiser les victimes.
III- QUI A CREE LE HCRRUN ?
Le HCRRUN a été créé par décret N°2013-040/PR du 24 mai 2013 modifié par le décret N°2014-103/PR du 03 avril 2014.
IV – QUELLE EST LA MISSION DU HCRRUN ?
Le HCRRUN a pour mission de procéder à la mise en œuvre des recommandations et du programme de réparation élaborés par la CVJR.
- EN QUOI FAISANT ?
En menant les actions suivantes :
- Proposer toutes les mesures d’ordre législatif, réglementaire ou institutionnel intégrant des aspects des recommandations de la CVJR sur la lutte contre l’impunité, les garanties de non répétition et la réparation des victimes ;
- Proposer au Président de la République, toutes les mesures susceptibles de faciliter la réalisation de son mandat ;
- Gérer les fonds affectés au programme de réparations ;
- Initier des actions de nature à contribuer à l’instauration d’un climat social et politique apaisé, nécessaire à la réconciliation nationale ;
- Promouvoir les valeurs de coexistence pacifique, la culture du dialogue et de solidarité et la participation des citoyens à la vie collective fondée sur l’acceptation des différences ;
- Veiller au respect et à la réalisation effective des objectifs visant la lutte contre l’impunité, la promotion de la réconciliation, la paix et l’unité nationale, par toutes les instances et tous les acteurs de la vie nationale ;
- Assurer la conservation des archives et des biens de la CVJR durant son mandat.
- QUELLE EST LA COMPOSITION DU HCRRUN ?
Suivant le décret N° 2014-211/PR du 24 décembre 2014 portant nomination des membres, le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) est composé de trois membres :
- Un(e) Président(e) ;
- Un(e) Premier(ère) Rapporteur ;
- Un (e) Deuxième Rapporteur.
VII. QUI SONT LES MEMBRES ACTUELS ?
- Présidente : Mme Awa NANA, Magistrate à la retraite, ancienne Présidente de la Cour de Justice de la CEDEAO ;
- Premier Rapporteur : Dr Evalo WIYAO, Universitaire, Historien ;
- Deuxième Rapporteur : Mme Claudine Y. L. KPONDZO AHIANYO, Littéraire, ancienne membre de la CVJR.
VIII- ILS SONT NOMMES POUR COMBIEN DE TEMPS ?
Les membres du HCRUUN sont nommés pour trois (3) ans, renouvelable une fois, pour une durée identique ou différente (Article 5 du décret de création).
IX- LE HCRRUN EST-IL INDEPENDANT?
Oui, le HCRRUN jouit de l’autonomie administrative et de gestion.
X- D’OU VIENNENT DONC SES RESSOURCES?
Sur le plan matériel et financier, ses ressources viennent du budget de l’Etat.
Elles comprennent également des dons ou subventions des partenaires au développement du Togo et de tous autres donateurs.
Sur le plan des ressources humaines, le HCRRUN peut recourir à toute personne ressource dont les compétences sont jugées utiles à l’accomplissement de sa mission.
XI- SI LE HCRRUN EST INDEPENDANT, A QUI REND-IL COMPTE ?
Le HCRRUN adresse un rapport à la fin de chaque semestre et un rapport annuel consolidé au Président de la République.( cf. Article 8 du décret N° N° 2014 – 103/PR.
Un rapport de fin de mission du HCRRUN est également adressé au Président de la République.
Tous ces rapports sont rendus publics.
XII- C’EST QUOI LA JUSTICE TRANSITIONNELLE?
La Justice Transitionnelle est une Justice de transition, c’est-à-dire à mi-chemin entre la justice classique et la justice réparatrice.
C’est l’ensemble des mécanismes judiciaires et non judiciaires qui visent à faire sortir un pays d’un passé divisé vers un avenir commun.
Elle repose sur quatre piliers fondamentaux :
- Le droit à la vérité ou le besoin de savoir ;
- Le droit à la justice (réparatrice ou pénale) ;
- Le droit à la réparation et
- L’obligation d’opérer des réformes institutionnelles comme garanties de non-répétition.
XIII- QUELLE EST LA DIFFERENCE ENTRE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ET LA JUSTICE CLASSIQUE ?
La Justice Transitionnelle est un mécanisme centré sur la victime. Elle a une procédure spéciale et peut choisir entre la poursuite pénale et l’apaisement des cœurs à travers un programme ou processus de réparations. Elle opère dans une limite de temps et sur un mandat précis.
Contrairement aux idées reçues, le mécanisme de Justice Transitionnelle n’est pas un facteur d’impunité, mais plutôt un ensemble des mesures prises pour lutter contre l’impunité.
La Justice Classique, c’est la Justice Pénale, donc un mécanisme judiciaire avec des procédures pénales. Elle opère dans un temps illimité avec une administration de preuves assez variée.
XIV- QU’ENTEND-ON PAR REPARATION EN JUSTICE TRANSITIONNELLE?
C’est la reconnaissance à un individu de son statut de victime puis de son droit à obtenir compensation pour un préjudice subi.
En Justice Transitionnelle, le but d’une réparation est d’être adéquate, effective et rapide. Elle doit de promouvoir la justice sociale en remédiant aux violations du droit international des droits de l’homme ou aux violations du droit international humanitaire.
XV- QUI DOIT REPARER ?
C’est l’Etat. Conformément à sa législation interne et à ses obligations juridiques internationales, l’Etat assure aux victimes la réparation des actes ou omissions de ses Agents qui peuvent lui être imputés parce qu’ils constituent des violations du droit international des droits de l’homme ou des violations du droit international humanitaire.
XVI- POURQUOI C’EST L’ETAT ?
Parce qu’il a manqué à ses obligations qui lui incombent d’assurer la protection du citoyen sur son territoire. Ce faisant, l’Etat a engagé ses responsabilités.
XVII- EN QUOI CONSISTE CETTE REPARATION ?
Elle ne consiste pas à donner de l’argent aux victimes.
Au contraire, selon les standards internationaux, la réparation peut être faite sous cinq (5) formes à savoir :
17.1 Restitution
La restitution comprend, selon qu’il convient: la restauration de la liberté, la jouissance des droits de l’homme, de l’identité, de la vie de famille et de la citoyenneté, le retour sur le lieu de résidence et la restitution de l’emploi et des biens.
17.2 Indemnisation
Elle se comprend par une évaluation économique de chaque cas, tel que : le préjudice physique ou psychologique; les occasions perdues, y compris en ce qui concerne l’emploi, l’éducation et les prestations sociales ; les dommages matériels et la perte de revenus, y compris la perte du potentiel de gains ; le dommage moral ; les frais encourus pour l’assistance en justice ou les expertises, pour les médicaments et les services médicaux et pour les services psychologiques et sociaux.
17.3 Réadaptation
Elle se comprend par une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à des services juridiques et sociaux.
17.4 Satisfaction
Elle comprend quelques mesures suivantes: procédures efficaces visant à faire cesser des violations persistantes ; divulgation complète et publique de la vérité, recherche des personnes disparues, de l’identité des enfants qui ont été enlevés et des corps des personnes tuées, et assistance pour la récupération, l’identification et la ré-inhumation des corps; rétablissement de la dignité; excuses publiques, notamment reconnaissance des faits et acceptation de responsabilité; sanctions judiciaires et administratives à l’encontre des personnes responsables des violations; commémorations et hommages aux victimes; etc.
17.5 Garanties de non-répétition
Elles comprennent des mesures qui contribuent à la prévention de la violence et consistent à : veiller au contrôle efficace des forces armées et des forces de sécurité par l’autorité civile; veiller à ce que toutes les procédures civiles et militaires soient conformes aux normes internationales en matière de régularité de la procédure, d’équité et d’impartialité; renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire; promouvoir des mécanismes pour prévenir, surveiller et résoudre les conflits sociaux; réexaminer et réformer les lois favorisant ou permettant des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et des violations graves du droit international humanitaire.
Il est important de noter qu’en matière de réparation et d’indemnisation, on ne peut jamais promettre à la population ce qu’on n’a pas ; il faut attirer l’attention des uns et des autres sur la réalité de chacun et se poser des questions collectives, réelles : où trouver les fonds pour une réparation individuelle ?
C’est pour cette raison que chaque pays qui s’engage dans le processus de Justice Transitionnelle adapte ces cinq formes standardisées de réparations à son contexte socio-culturel.
XVIII- C’EST QUOI LE PROGRAMME DE REPARATION ?
C’est l’ensemble des mesures qu’un Etat prend pour satisfaire et/ou indemniser des personnes qu’il reconnaît comme victimes de violations dans un cadre donné. Ce programme permet aussi à l’Etat de décider du délai dans lequel ces réparations seront faites et quelle forme cela va prendre.
XIX- C’EST QUOI LA PAIX ?
La Paix a plusieurs définitions. Elle signifie :
- un ensemble de valeurs, d’attitudes et de comportements qui permettent à un individu de vivre en harmonie avec lui-même, avec les autres et avec l’environnement ;
- une situation dans laquelle les individus et les communautés disent qu’ils sont satisfaits des relations qu’ils ont les uns avec les autres et des possibilités qu’ils ont de modifier ces rapports ;
- une manière de se comporter qui suppose le respect mutuel entre les personnes et l’acceptation de tous.
XX- C’EST QUOI LA COHESION SOCIALE ?
La cohésion sociale signifie un changement positif dans les relations entre les habitants d’une même communauté. Ces personnes qui ont décidé, à un moment donné, de taire leurs divergences sociales, politiques, religieuses et autres pour bâtir ensemble leur communauté, surmonter ensemble leurs difficultés pour vivre en harmonie.
XXI- QU’EST-CE QUI REUNIT CES TROIS CHOSES : PROGRAMME DE REPARATION, PAIX ET COHESION SOCIALE ?
C’est le résultat que l’on va atteindre. Lorsque le programme de réparation sera mis en œuvre, même si cela ne répare pas totalement les victimes, il y aura une ambiance de paix et de satisfaction qui va favoriser de bonnes relations entre les citoyens. Cette relation permettra aux uns et aux autres de se mettre ensemble pour construire leurs communautés.
XXII- QUELLE EST LA CONTRIBUTION DU CITOYEN A LA RECONCILIATION ET AU RENFORCEMENT DE L’UNITE NATIONALE ?
Le citoyen doit adhérer aux activités du HCRRUN en l’aidant à passer les messages de paix et du vivre ensemble, à suggérer d’autres activités qui peuvent favoriser la satisfaction et la garantie de non répétition.
XXIII- EN QUOI LE PROGRAMME DE REPARATION POURRAIT-IL CONDUIRE A LA PAIX ET A LA COHESION SOCIALES?
23.1 Est-ce que le HCRRUN accordera aux victimes les réparations correspondant aux préjudices subis ?
Le HCRRUN fera tout ce qui est possible pour accorder aux victimes des réparations justes et adéquates qui tiennent compte des torts qui leur ont été causés. Cependant, il est parfois difficile que la réparation accordée puisse répondre exactement au préjudice subi par une victime. Par le programme de réparation, l’Etat reconnait non seulement le statut des victimes mais aussi leur droit à une réparation même si celle-ci ne peut pas combler totalement leurs attentes.
23.2 Tous ceux qui se sont présentés devant la CVJR comme étant des victimes auront tous droit aux réparations ?
Oui et non.
Oui si après étude des dossiers transmis par la CVJR, le HCRRUN constate que tous ceux qui se sont présentés comme victimes le sont effectivement et qu’ils sont tous éligibles au programme de réparations au regard des critères retenus.
Non car si les études et les investigations montrent que les faits racontés par une supposée victime devant la CVJR sont faux, alors cette personne ne pourra pas bénéficier d’une mesure de réparation. Il en sera de même pour les victimes qui ont participé à la violation des droits des autres citoyens.
23.3 Qui arrêtera ces critères d’éligibilité au programme de réparation ?
Beaucoup de critères sont déjà élaborés par la CVJR qui les a insérés dans les recommandations. Par exemple, la CVJR a retenu un critère qui dit que toute victime identifiée comme auteur d’exactions ou de violation grave des droits de l’homme est exclue du programme de réparation (Recommandation N°37 de la CVJR). D’une façon générale, ne recevront les réparations que les victimes des violences à caractère politique. Donc si les préjudices subis par une victime relèvent du droit commun, celle-ci ne pourra pas recevoir une réparation parce que ce genre de violations ne sont pris en compte ni par les recommandations de l’APG, ni par celles de la CVJR et encore moins les attributs du HCRRUN (point 2.1 du programme de réparations).
23.4 Comment les victimes et la population connaîtront-elles ces critères ?
Les participants à l’atelier de Notsé tenu du 21 au 25 juillet 2015 sur le thème : « la réparation des victimes dans le processus de Justice Transitionnelle », ont lancé un « Appel à engagement » en direction de tous les acteurs impliqués dans le processus de réconciliation mais aussi aux animateurs du HCRRUN auxquels ils ont demandé de « rendre disponibles et transparentes les informations relatives aux réparations » en procédant à leur large diffusion par tous les canaux de communication. Le HCRRUN mettra tout en œuvre pour que toute la population connaisse clairement les critères qui permettent d’avoir droit aux réparations.
23.5 Quel est l’objectif immédiat poursuivi par le HCRRUN à travers ce programme de réparation ?
L’objectif recherché à travers le programme de réparation est de soulager les souffrances des victimes et d’apaiser leurs cœurs puisque depuis plusieurs années, ces victimes ont supporté seules les douleurs physiques ou morales liées à la violation de leurs droits. Les réparations sont également une manifestation de la solidarité de l’ensemble de la population à l’égard des victimes. De ce fait, elles permettent d’instaurer des rapports plus harmonieux au sein des Togolais et contribuent à raffermir les liens d’appartenance à un même pays.
23.6 Plus largement et de façon concrète, quel résultat le HCRRUN attend-il de la mise en œuvre du programme de réparation ?
Le HCRRUN espère, grâce au programme de réparation, créer de meilleures conditions permettant de consolider la paix et la cohésion entre l’ensemble des composantes de la société togolaise. Le programme de réparation est donc un outil d’affirmation de l’identité des Togolais puisqu’il leur permet de se reconnaitre à partir de leur Histoire et surtout de réparer les torts causés. C’est en définitive un outil de renforcement de la réconciliation et de l’unité entre les Togolais.